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Caravane du littoral

Dakar, 2015

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Le 14 juin 2015 la Plateforme pour l’Environnement et la réappropriation du Littoral (P.E.R.L) investissait la zone 888, cette portion de corniche située entre la plage de la Mosquée de la divinité et ce qu’on appelle communément le ‘rond-point de Macky Sall’. Créée suite à la chute du « mur de la honte » de l’ambassade de Turquie un an avant, cette plateforme apolitique regroupe quatre associations (voir liste ci-dessous) dont l’objectif est la protection du littoral sénégalais. Un lieu de rendez-vous symbolique pour un « yendou » visant à sensibiliser et alerter la société civile et l’Etat des aberrations liées aux constructions massives sur le littoral dakarois. La P.E.R.L, en veilleuse depuis un an, entend bien rappeler au président ses engagements. Pour rappel, le domaine public maritime ne peut pas avoir de titre foncier. Seules exceptions, les installations légères sont tolérées.

Autour de nous, de jeunes scouts commencent à planter des arbustes, tandis que petit à petit les manifestants se rapprochent et s’organisent : présidents des associations, architectes, universitaires, défenseurs de tous bords et journalistes.

Mr Mansour SORA WADE nous explique comment SOS Littoral est né à Ouakam, sur cette zone 888, alors que des travaux de terrassement étaient réalisés par un entrepreneur sans autorisation « qui n’avait pas le droit mais qui le prenait ». Mr PAULO (ASE-SN) prend la suite et nous raconte que cette zone 888 est découpée en 61 baux affectés à des personnes dont certaines ne le savent même pas ! Arrivé au Sénégal depuis plus de 15 ans, il nous demande d’imaginer cet espace sans route, avec juste un petit chemin et de la micro-agriculture urbaine, une zone riche du point de vue biologique animal et végétal, une falaise, zone de nidification des rapaces et animaux marins. Concentré sur la zone des Mamelles, Mr PAULO nous informe d’un projet insensé d’usine de dessalement sur l’ancien champ de tir et évoque le problème des remblais des falaises, ni stables ni résistants à l’érosion côtière, chargés de ciment qui se dissout et contamine l’eau avec à court terme le risque de diminution du poisson pour les ports de pêche artisanaux de Soumbédioune et Ouakam.

Sur la plage du Virage, premier stop de la Caravane, les différents responsables s’adressent aux jeunes enfants plutôt curieux et réceptifs, et les sensibilisent à leurs actions avant de se lancer dans un débat houleux avec des commerçants installés sur la plage. Mr Moctar BA, président de la P.E.R.L, en profitera pour rappeler que l’érection de tout bâtiment en bord de mer empêche le vent de dissiper la pollution, de disperser les moustiques et de rafraîchir la ville, ce qui représente « un danger de santé publique ».

La caravane poursuivra ensuite sa route jusqu’au Terrou-Bi pour dénoncer les projets honteux qui sont en cours.

Constat des lieux des sites à problèmes (liste non exhaustive)

  • Le Terrou-Bi, un espace de conflit pour une plage privatisée («  en 2008, des milliers d’enfants nageaient encore sur ce site »), un chantier naval (caché) et une digue non autorisée ( ?);

  • Toujours sur la corniche plus de 6 hectares sont en chantier sur le domaine maritime pour y construire des résidences ;

  • A Ouakam, sur la corniche au-dessus de la Mosquée de la Divinité, une clinique est en projet de construction (avec décaissement de la falaise) !

  • Les Mamelles « Un cimetière d’éléphants blancs » d’après Mr PAULO : malgré la fragilité du versant de la falaise, la corniche se construit de toute part (deux cliniques) ; sur l’ancien champ de tir  un hôtel mort (Kharafi) et une usine de dessalement surréaliste sans utilité publique ainsi que l’école WAMI (ONG Saoudienne) en construction sur le site classé du Phare + le problème des panneaux géants ;

  • Aux Almadies : l’aménagement illégal et non réfléchi de la petite corniche ne permet plus d’accéder à la plage. Sur l’ensemble des bars et restaurants présents seuls trois ont une autorisation. Les terrasses construites sur des remblais entraînent progressivement la disparition des petites plages. Les murs se montent en une nuit et cachent l’aménagement illégal des installations jusque ici utilisées pour faire du sport. Les camions déversent la nuit des gravas pour remblayer sur la plage. Déforestation intempestive de la zone (cf. Hôtel Sheraton) ; constructions sur la zone ASECNA ; construction d’une mosquée + privatisation de la plage du lieu de prière pour un pèlerinage qui n’a lieu qu’une fois/an ;

  • A Ngor-Virage : l’hôtel le Virage + la station service en construction + l’ancienne parcelle de 14 000 m2 de l’ancien président Abdoulaye Wade et ses containers qui rouillent + la plage privée du S. et l’aménagement du littoral derrière le casino du Cap-Vert.

 

« On ne sensibilise pas assez la population mais le regroupement associatif permet de cibler les actions ; jusqu’ici la société civile s’agitait après coup et l’Etat mettait ses projets en sommeil, avant de recommencer ». La Plateforme interpelle les bayeurs, les informe des nuisances sur les populations, elle médiatise ses actions et n’hésite pas à intenter des procès au nom de la sauvegarde du littoral. Elle tisse un réseau de correspondants plus ou moins formel qui remontent les informations et les alertes, assure les vérifications techniques, informe le ministère concerné avant de lancer une procédure judiciaire si nécessaire. A priori tous les projets nécessitent des études d’impact environnemental mais au Sénégal elles sont souvent bâclées et ne présentent aucune disposition de préservation et de conservation permettant le libre accès à la zone et la protection des espèces marines et végétales.

Les populations voient bien leurs conditions de vie se dégrader et ne profitent d’aucune retombée liée aux investissements immobiliers.

Aujourd’hui, trois textes règlementent les constructions sur le littoral : le plan directeur d’urbanisme de Dakar horizon 2025 (va être révisé pour le plan 2050), le règlement d’urbanisme de détail (spécifie les zones non constructibles ou à contraintes) et le décret interdisant les constructions sur certaines zones (mis en place par L.S.Senghor).

Comme nous le rappelle ce professeur de l’université qui souhaite apporter son soutien à la lutte, « la gestion du littoral est complexe car il représente un espace de conflit, de pouvoir, d’appropriation ».

Le président Macky Sall a récemment restitué le terrain qu’il possédait à Ngor, sans doute espérait-il ainsi montrer l’exemple, mais cela suffira t-il à faire émerger une conscience collective et non plus individuelle ?

Ceci est bien le pari que s’est lancé la P.E.R.L qui loin d’abandonner le littoral espère cristalliser toutes les bonnes volontés pour élever le débat, et surveille de près la correction du projet de loi sur le littoral qui est en cours.

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