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Le petit train bleu : prochain arrêt, tout le monde descend ?

« Le TER desservira 14 gares avec une vitesse de pointe pouvant atteindre 160km/h ; il reliera le centre ville de Dakar à l’aéroport International Blaise Diagne (AIDB). Il pourra transporter jusqu’à 115 000 passagers par jour contre 15 000 seulement aujourd’hui avec le Petit train de banlieue » (PTB)

 

Discours officiel classique de promotion d’un nouveau dispositif dévaloraisant l’ancien par une subtile comparaison dépréciative.

 Le progrès technique nous est annoncé avec son programme paramétré de vitesse et de capacités amplifiées. 

Nous pourrons nous aligner à Dakar comme dans d’autres capitales africaines sur les standards des moyens de transport des villes occidentales. 

 

Nous devrions donc tous nous réjouir et applaudir ?

 

Une petite musique intérieure m’interpelle et monte petit à petit pour me dire qu’il ne faudrait pas oublier le petit train de banlieue, celui qui s’est longtemps fait appeler le petit train bleu avant sa recapitalisation en 2003 et que beaucoup continuent de nommer ainsi…

 

Cette petite musique c’est aussi un peu celle de l’album, Blue Train, de Coltrane qui nous embarque avec ses trois cuivres dès les premières notes avec fièvre et rythme lancinant, entêtant rapidement, qui introduit un dialogue en questions-réponses…

 

Au delà du choix politique et économique de ce TER, s’est définie mon urgence de photographier ce qui risquait peut-être de disparaître alors qu’il correspond à un patrimoine fondamental pour les Dakarois… 

Chaque jour, sur notre continent, la fièvre immobilière détruit des pans entiers de bâtiments chargés d’histoire. Les plans d’urbanisation redessinent aussi des voies au tracé idéal, bien décidés à reprendre possession des lieux que des habitants oubliés s’étaient appropriés.

Le train qui traverse l’espace marque aussi un territoire.

Il s’agissait pour moi de témoigner de cette réalité foisonnante, complexe qui a aussi nourri mon expérience de cette ville et ma relation à une entité symbolique puissante.

Ce PTB pourrait évoquer au premier abord un imaginaire enfantin presque naïf mais sa dénomination a été motivée par des raisons beaucoup plus pragmatiques que poétiques faisant tout simplement référence à la couleur choisie pour ses locomotives et voitures…

Ce petit train bleu constitue un véritable microcosme de la société banlieusarde dakaroise et offre ainsi l’opportunité de découvrir des espaces et des âmes uniques et en même temps universels. Les quartiers qu’il traverse sont souvent précaires avec un marché à même les rails vers Thiaroye, ou des habitats spontanés qui émergent le long des voies. De Rufisque à Dakar, il dessert plusieurs gares pour amener des centaines de travailleurs. Son coût très accessible, contrairement au futur TER en faisait un des moyens de transport très appréciés par de nombreux Dakarois…Son avenir pose donc aussi le problème de ces usagers qui vont être confrontés à des contraintes économiques aggravées par la problématique de leur déplacement journalier pour travailler.

En attendant, voyageons encore un peu à leurs côtés… (texte de Safia Houmed - 2019)

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